RECYCLAGE : 11 Septembre – 9 ans après…
Posted on September 9, 2011 by admin
Je ne suis pas à New York pour les 10 ans, donc pas d’article sur mes impressions… A défaut de regarder toutes les émissions-anniversaire qui vous attendent sur le petit écran dimanche, vous pouvez vous délecter de cet article de terrain écrit l’année dernière….
Deuxième 11 septembre à New York. L’année dernière, Jay-Z avait volé la vedette à la mémoire des Twin Towers en sortant son « Blue Print III » et en donnant un concert au Madison Square Garden retransmis en direct à la télé, avec la crème des artistes du moment. « Empire State Of Mind » battait son plein. On avait une excuse pour faire la fête. Même en jour de deuil. En fait jusqu’à aujourd’hui, je ne m’étais jamais rendu compte de la profondeur de cette désolation nationale. Parce que cette année, pas grand-chose ne peut détourner notre attention de ce jour si spécial à New York. Déjà c’est un samedi donc on bosse pas et fatalement on y pense. Ensuite, y’a tellement de polémiques autour, bah qu’on y pense encore plus, qu’on prend position, qu’on en parle au resto, au café, ou par bbm. J’ai eu pitié pour ce pasteur qui a annoncé vouloir brûler le Coran, ou même pour ce débat autour d’un centre culturel islamique à deux blocks de Ground Zéro, alors qu’il y avait une salle de prière dans les tours, et qu’avant qu’elles disparaissent, personne ne s’en offusquait. Et puis y’a toute cette confusion ambiante sur fond de God Bless America, avec au milieu l’Aid et Shana Tova…
Toujours est-il qu’on est le 11 Septembre, que 9 ans plus tôt, à l’heure où j’écris ce post, deux avions ont été détournés et ont fini leurs routes dans les Twin Towers du World Trade Center. Les images, on les a tous vues. D’ailleurs, j’suis pas mal sûre que vous vous souvenez du moment où vous avez appris la nouvelle. Moi c’était dans un supermarché de Juan-les-Pins, rayon pâtes, via la radio. J’me rappelle, le lendemain j’ai acheté le journal me disant que je pourrais le revendre cher sur eBay des années plus tard. Je réalisais pas trop l’ampleur de l’attaque. J’étais jeune et ambitieuse, manifestement vicieuse. Longtemps je n’ai pas compris comment les États Unis pouvaient êtres aussi naïfs face aux conséquences de leur politique, sans se rendre compte qu’ils se mettaient de plus en plus de pays à dos. Limite je me disais que c’était une conséquence logique à leur positionnement. « Mais attend, qui sème le vent récolte la tempête quoi, les mecs font les chauds avec la terre entière sans rien respecter, normal qu’ils se fassent taper dessus ». D’ailleurs, je n’aurais jamais pensé avoir envie d’y vivre un jour.
Puis finalement, ça fait deux ans que j’y suis et je comprends mieux. Je comprends mieux leur stupéfaction face aux attaques. Leur sentiment d’injustice, de frayeur, d’horreur, voire la haine qui en a résulté. Parce qu’ils vivent et sont maintenus dans une bulle opaque, ne manifestant que très peu d’intérêt face à ce qui se passe à l’international, sauf si ça les concerne directement et sur le court terme. J’aime pas stigmatiser, surtout que New York est vraiment différent du reste des États-Unis… Mais merde si je ne cherchais pas à m’informer sur ce qui se passe en dehors de ce pays, je serais totalement étanche au reste du monde.
Donc voilà, jusqu’à aujourd’hui, j’avais pas « réussi » à ressentir leur douleur, la partager, la comprendre. À l’étranger, la pesanteur locale de ce jour n’est pas perceptible. Et l’année dernière j’étais plus occupée à essayer d’avoir des places pour Jay-Z. Mais cette année, c’est différent. Je ne sais pas si c’est parce que je suis passée devant le trou béant laissé par les deux tours des centaines de fois, ou que j’ai appris au détour d’un mail qu’une lectrice avait perdu sa maman dans le désastre, mais ça semble plus réel que jamais. Pour faire simple, ça a traumatisé chacune des personnes de la ville dans laquelle je vis aujourd’hui. En plus là, j’ai les yeux rivés sur la cérémonie-hommage retransmise sur New York 1 et la liste des noms qu’ils citent n’en finie pas. Ça a beau n’être que des noms cités les uns à la suite des autres, je n’arrive pas à décrocher mes yeux du téléviseur…
Quand j’ai demandé autour de moi, les réactions ont été vraiment différentes. Ce qui a choqué le plus Chago qui vivait alors à West Village, en dehors de la panique générale qui régnait dans sa rue, c’est l’odeur. Cette odeur de feu qui a flottée dans la ville pendant des semaines et qui rendait sa gorge super irritée. Il m’a confié un peu gêné que son premier feeling a été « It’s the French that are attacking us ». J’l’ai embrouillé, en criant WHY ? Il n’a pas su me donner un seul argument valable… Tuma, qui à l’époque travaillait à BET, situé au croisement de la rue 106 et de l’avenue Park (d’où le titre de l’émission 106 & Park pour ceux qui connaissent) a vu de la fumée en sortant de chez lui à Brooklyn sans savoir ce qui se passait. C’est dans le métro que les premières infos circulèrent. Une fois arrivé uptown, il a entendu qu’un autre avion venait de percuter la deuxième tour. Puis leur patron leur a dit de rentrer chez eux. C’était un mardi. Il n’a pas été travailler jusqu’au jeudi et est rentré à pied de 106 à Brooklyn. Ça lui a pris 6 heures. Pareil lui, ce n’est pas la panique ambiante qui l’a choqué le plus, mais la gentillesse des gens. Ouais, soudainement dans la ville la plus bitch du monde, tous les habitants sont devenus unis, patients, attentionnés. Face au danger, on se sent plus soudé que jamais.
Armen lui, est arrivé la veille, le 10 septembre à New York pour shooter des photos de l’enregistrement de l’album du groupe de Rocca, Tres Corona. Le lendemain, ils apprennent que le partenaire de Rocca qui bosse en bas des tours est sur place. Il vient d’appeler sa mère pour lui dire que de gens se jettent par les fenêtres, et la maman, paniquée a appelé Armen et Rocca pour les prévenir. Une seconde après, le deuxième avion s’écrase sur la tour… Un nuage a flotté sur Manhattan pendant une semaine. Ce qui a le plus marqué Armen, c’est ces papiers brûlés qui tombaient du ciel. Il a même trouvé une touche de clavier d’ordi. Rocca lui a dit de ne pas la garder… « Mala suerte » il a dit. Quant à leur ami, il s’en est sorti intact et a marché jusqu’à Brooklyn, couvert de poussière.
Jessie allait au lycée à un block du WTC. C’était la semaine de la rentrée. Les élèves ont tout vu par la fenêtre en grandeur nature. Ils ont eu en face d’eux une prof en larmes qui a paniqué, puis ils ont dû évacuer le bâtiment sous les ordres de la police et marcher sur la West Side Highway (autoroute) au milieu de milliers de personnes pendant un bon moment sans savoir ce qu’il se passait. Ce qui l’a le plus marqué, c’est Manhattan. Elle n’avait jamais vu la ville se vider aussi vite. Ça ressemblait à une scène de far west, lorsque tout le monde disparaît d’un coup parce qu’un méchant cow boy approche. Elle a tout vu en gros plan, tout ressenti à 100%, et a été à l’école toute l’année côtoyant des pompiers, de la poussière et des substances toxiques. Pendant des années elle n’a pas voulu en entendre parler. Aujourd’hui elle s’est fait son opinion, me rappelle que ce qu’elle a vécu n’a rien de plus fou que ce qui se passe en Afghanistan ou en Irak, et qu’elle préfère aller à un barbecue aujourd’hui, qu’à quoi que ce soit d’autre qui lui rappellera ce moment traumatisant…
Moi j’ai été faire un tour au World Trade Center et j’ai trouvé la réaction des gens totalement déplacée. J’ai juste laissé traîner mon appareil dans le coin et mes oreilles au détour des blocks et au bout de 15 minutes j’ai eu la nausée parce que j’ai eu l’impression d’être en dessous d’un micro-climat raciste dégueu. L’Amérique a beau être la terre de tous les possibles, il y a des maux qu’elle ferait mieux de soigner au plus vite avant qu’ils ne s’enveniment et soient incurables… Non ?
P.S: J’arrête les posts sérieux pour un moment, je sais que vous préférez quand je raconte des bêtises sur les dates et tout…
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