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{"id":3045,"date":"2012-10-30T15:18:46","date_gmt":"2012-10-30T19:18:46","guid":{"rendered":"http:\/\/www.nyfrenchgeek.com\/2012\/10\/cette-aveuglante-absence-de-lumiere\/"},"modified":"2012-10-30T15:18:46","modified_gmt":"2012-10-30T19:18:46","slug":"cette-aveuglante-absence-de-lumiere","status":"publish","type":"post","link":"http:\/\/www.nyfrenchgeek.com\/2012\/10\/cette-aveuglante-absence-de-lumiere\/","title":{"rendered":"Cette aveuglante absence de lumi\u00e8re"},"content":{"rendered":"

\"\"<\/a><\/p>\n

Elle te fait serrer fort ton oreiller avant de dormir, flirte avec tes songes et retarde le r\u00e9veil. Elle rend chaque silence pesant, fait danser les pens\u00e9es sombres et courtise la nostalgie. Elle complote avec l\u2019ennui, s\u00e8me le doute et s\u2019incruste m\u00eame dans les souvenirs joyeux. Elle d\u00e9barque en pleine r\u00e9union, en plein diner, en plein footing, \u00e0 l\u2019improviste, toujours, et elle te met \u00e0 genoux, \u00e0 terre, \u00e0 nu. Elle t\u2019enl\u00e8ve le peu de confiance qu\u2019il te reste et te plonge dans le vide. Elle te perce le c\u0153ur et te fait regretter ta famille, ta routine, ton pays, tes amis, et m\u00eame tes ex et tes ennemis. Quand la solitude new-yorkaise s\u2019abat sur toi comme un vautour sur sa proie, la tac-tic c\u2019est l\u2019attaque. Pas le choix. C\u2019est dur, oui, mais si tu rel\u00e8ves pas la t\u00eate, tu risques de passer \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de la chance de ta vie \u00e0 cause d\u2019un vague \u00e0 l\u2019\u00e2me l\u00e2che, mou, \u00e9ph\u00e9m\u00e8re. Et quand tu viens vivre seul dans la ville la plus peupl\u00e9e des States, miss solitude te fait forcement payer le prix fort \u00e0 ton arriv\u00e9e.<\/span><\/p>\n

8 millions d\u2019habitants. La ville ne dort jamais et les Am\u00e9ricains sont plus sociables ‘que la plus bonne de tes copines’. Pourtant l\u2019un des maux de la ville, surtout pour les expatri\u00e9s, c\u2019est la solitude. Et attention, je ne parle pas de ceux qui viennent en couple (quoi que) ou en coup de vent. Je parle vraiment de ceux qui y restent longtemps. Des ann\u00e9es. Tout va tr\u00e8s vite au c\u0153ur de la Pomme, mais le temps peut parfois sembler tr\u00e8s long quand on y est seul. Les d\u00e9buts\u00a0? Un enfer. On ne sait pas \u00e0 qui parler, \u00e0 qui se confier, avec qui rigoler. Alors on le fait avec n\u2019importe qui, et c\u2019est pas toujours une bonne id\u00e9e. On apprend, on t\u00e2tonne, on se fraie un chemin, on devient un cam\u00e9l\u00e9on. Un cam\u00e9l\u00e9on solitaire.<\/p>\n

La solitude c\u2019est un sujet tr\u00e8s tabou dans la ville du paraitre. Faut toujours avoir l\u2019air frais, dispo, en forme et heureux. Tu peux pas dire facilement \u00ab\u00a0j\u2019me sens seul\u00a0\u00bb \u00e0 New York. Tu peux juste dire \u00ab\u00a0Ca d\u00e9chire j\u2019adoreeee, mais j\u2019peux pas te parler l\u00e0, j\u2019suis occup\u00e9 \u00bb. Quelqu\u2019un qui s\u2019est expatri\u00e9 pourrait \u00e9ventuellement comprendre la d\u00e9tresse des d\u00e9buts, il l\u2019a v\u00e9cu. Mon papa le sait lui par exemple, la France \u00e9tait hostile \u00e0 son arriv\u00e9e. Mais comment expliquer \u00e0 tes amis, tes coll\u00e8gues, ta famille ou tes lecteurs qui te regardent comme un h\u00e9ros simplement parce que tu vis aux States, comment leur dire que le temps d\u2019une soir\u00e9e, tu donnerais tout pour retrouver l\u2019inconfort de ton studio parisien, la douceur des bras de ta m\u00e8re, la joie d\u2019une vir\u00e9e entre amis \u00e0 Saint Germain, le plaisir des repas de famille, la lumi\u00e8re grise parisienne, les voix ringardes en VF des s\u00e9ries t\u00e9l\u00e9 et les Princes de Lu tremp\u00e9s dans du caf\u00e9 au lait. Tu peux pas. Tu peux pas, en ayant toute ta t\u00eate, justifier cette envie de troc. Troquer NYC contre Paris, Marseille, Rennes ou Chinon. Personne comprendrait. Et pourtant cette envie est in\u00e9vitable.<\/p>\n

C\u2019est alors qu\u2019en pleine tristesse \u00e0 la Oxmo Puccino, on se r\u00e9veille et on se dit stop. Je vais rencontrer des gens bien, je vais me bouger, je vais voir New York autrement, je vais sortir de ma zone de confort. C\u2019est l\u00e0 que la solitude devient constructive. L\u2019\u00e9nergie de New York est si vive que l\u2019enfant seul va trouver un moyen de surmonter ce vide. Il y en a plein. Et je ne parle pas d\u2019aller dans un bar et de boire \u00e0 en oublier ton nom. Non non. New York te lance un d\u00e9fi, il faut le relever. Et la solitude (qui n\u2019est pas l\u2019ennui, hein, parce que pour le coup, l\u2019ennui est impossible \u00e0 NY) peut te pousser \u00e0 faire des choses toutes nouvelles pour la contrer\u00a0: apprendre \u00e0 faire la cuisine, toi ex-chef des p\u00e2tes au beurre et des \u0153ufs brouill\u00e9s. Le trop plein, tu le partages avec tes voisins, tu invites un coll\u00e8gue chouette, ou tu le portes au foyer du coin. Mais tu fais ressortir quelque chose de ce vide. Ca peut \u00eatre embarquer un appareil photo et aller explorer les bords de Manhattan, regarder les gens passer, et prendre des clich\u00e9s. Ou ranger ce jogging Quechua de chez Decathlon et ce gilet H&M, filer dans les friperies de Williamsburg trouver des pi\u00e8ces rares et originales et affirmer un style ignor\u00e9. Cr\u00e9e, compose, \u00e9cris, lis, d\u00e9core, range, sors, mais ne reste pas l\u00e0 \u00e0 mastiquer ta tristesse. Parce que \u00e7a te ronge le c\u0153ur \u00e0 l\u2019acide et tu te retrouves \u00e0 booker un billet pour Paris la semaine suivante. Et crois moi, une fois dans la grisaille du 7.5, c\u2019est New York que tu regretteras.<\/p>\n

Et puis finalement, \u00e0 force de lui faire des pieds de nez \u00e0 cette solitude, apr\u00e8s quelques semaines, quelques mois de vide, de tes entrailles sort une force insoup\u00e7onn\u00e9e, une force qui te permet d’\u00eatre imbattable, fier et tu finis par plus le serrer cet oreiller avant de dormir. Quand j\u2019allais courir par exemple, je courais cinq minutes de plus que mon objectif juste pour me prouver que j\u2019\u00e9tais capable. Je me droguais au travail pour pas trop penser et j\u2019\u00e9tais devenue super productive, alors que j\u2019h\u00e9sitais sur tout quelques semaines auparavant. Et quand je vivais des choses qui me semblaient exceptionnelles, (et au d\u00e9but \u00e7a arrivait souvent puisque je vous ai parl\u00e9 de photographes de rue et de vendeurs de pralines comme si c\u2019\u00e9tait des rock stars) et bien le soir, au lieu de me dire \u00ab\u00a0Y\u2019a rien \u00e0 faire j\u2019suis seule au monde\u00a0\u00bb comme Corneille, je prenais mon ordinateur et je mettais des mots sur ces histoires\u2026 Et ces histoires, \u00e0 d\u00e9faut de pouvoir les partager avec quelqu\u2019un, et bien je les postais sur le net. Le blog est n\u00e9 ainsi. Et si j\u2019avais \u00e9t\u00e9 entour\u00e9e, occup\u00e9e, ou si j\u2019\u00e9tais rest\u00e9e dans mon cocon confortable, je serais pass\u00e9e \u00e0 c\u00f4t\u00e9. Pourtant aujourd\u2019hui, ce blog c\u2019est une fiert\u00e9. C\u2019est pas juste un blog, c\u2019est un combat, un alli\u00e9, une carte de visite, un r\u00e9cit, une mine d\u2019informations, une source de divertissement. J\u2019y ai rencontr\u00e9 des lecteurs exceptionnels, des internautes qui se retrouvaient dans mes \u00e9crits, certains sont devenus des amis. Alors peut \u00eatre que l\u00e0 encore, en mettant le doigt sur l\u2019un des pires maux de la soci\u00e9t\u00e9 new-yorkaise, quelques un(e)s s\u2019y reconnaitront\u2026 M\u00eame si parler de la solitude est bien plus difficile \u00e0 faire que de parler des petits bonheurs am\u00e9ricains, ce tabou, j\u2019avais envie de l\u2019\u00e9voquer depuis longtemps. Ca peut \u00eatre ton pire ennemi comme ton meilleur alli\u00e9. Sur le coup tu as les jambes coup\u00e9es, mais elle te force \u00e0 te relever, \u00e0 te renforcer. Et quand tu y arrives enfin, if you can make it here, you can make it anywhere<\/em>. Mais parfois le soir, tu serres \u00e0 nouveau fort ton oreiller. Alors tu te dis demain, j\u2019irai courir un quart d\u2019heure de plus histoire de lui fermer sa gueule \u00e0 cette foutue solitude.<\/p>\n

\u00ab\u00a0This beautiful city seems empty, All the people in the world and you can still feel lonely\u00a0\u00bb <\/i>Alicia Keys.<\/p>\n

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\nvia thetravelingirl
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The Travelin’ Girl<\/a>
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